FRANK PETITJEAN



Tout part d’un uppercut dans son ego. Franck, admirait en coulisses son petit frère, pratiquer la boxe anglaise. Puis un jour, il décide de le chauffer à l’entraînement avant de se faire plier, envoyé au tapis par le dernier de la fratrie. En 2007, il arrête le football en Division Supérieure Régionale (DSR) pour enfiler les gants. «Avec le ballon rond, il me manquait la dureté́ du sport et le sang».

La même année, le petit Franck, âgé de dix neuf ans, pose ses valises chez Farrugia, un club situé à Élancourt, au fin fond du 78. Ici, on y forme la crème de la crème du boxeur. El Moussaoui, Bizot, Lakrib, Bouzid, sont tous coachés par le roi du bandage. Cette écurie est crainte dans le milieu. Il est déjà arrivé à Franck de faire deux cents kilomètres pour voir son adversaire se défiler à l’idée de se faire coucher par un Farrugia. Faut dire que les poulains sont réputés pour la bagarre. Pas de gestes techniques, ils arrêtent les coups avec le crâne puis ripostent encore plus fort. Des combats « dégueulasses » dans le jargon. Sacrée époque, se souvient Petitjean: «C’était l’école de la vie, je m’étonne encore d’avoir suivi le rythme».
Pendant deux ans, son corps était une expérience. Trois heures d’entraînement tous les soirs, en parallèle de ses études Sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS).
C’est cette envie de se surpasser, qui le pousse à charbonner et enchaîner. « Certains prenaient dix jours pour souffler après un combat, moi, je préférais y retourner ». En deux ans, il comptait plus de quarante combats, là où le boxeur lambda n’en faisait que cinq.

En 2010, il passe néo-pro puis pro. Catégorie super-léger. Voyant les autres du club rincés à vingt cinq ans, Franck décide de bouger à Clichy, pour s’entraîner et finir sa licence STAPS. « Les gants et les combats ne sont pas toute ma vie ». Ce n’est pas le genre de mec passionné, qui va se lever à cinq heures du matin pour voir Ali à la télé. Combinant le club avec l’Insep pendant cinq mois. Il y rencontre John Dovi, qui lui apprendra l’art de la posture. Le bagarreur se mue en technicien. Franck déborde de coups, use, esquive et contre-attaque.

Finis la castagne. Hors de question de ressembler à ses collègues, qui se bavent dessus en parlant, après douze rounds traumatisants. D’autant plus que Franck, porte déjà sur son visage les séquelles d’une enfance marquée par un accident. Sa gueule cassée est le résultat d'un crash de voiture, à l’âge de trois ans. La faute à un mec fatigué, qui s’est endormi au volant. Percutant de plein fouet le côté de la caisse et envoyant le petit Franck contre la vitre. Traumatisme crânien, trois interventions, cent points de suture. Une balafre sinueuse gravée à jamais.

Pas étonnant que son premier KO sur un ring ne l’ai pas arrêté. Ça l'a même propulsé. Peu de temps après, en 2014, Franck gagne sa première ceinture de champion de France ,en s’amusant pendant dix rounds, avec Denis Faria, l’autre prétendant au titre. Il profite de l’évènement pour faire sa demande de fiançailles. Le visage amoché, il pose un genou à terre et tend une bague planquée dans le coffre de son scooter. Franck le romantique.
 

L’année suivante, en 2015, il rempile et conserve son titre de champion de France, avant de rejoindre le groupe de Youssef Barit. À la recherche d’équilibre dans une discipline parfois bordélique, Franck commence à se lasser. Épuisé des coups bas en dehors du ring et marqué par les combats volés. Comme celui à l’étranger où l’arbitre est venu relevé son adversaire. Ce qui ne l’a pas empêché de gagner. Avec Barit, il prend confiance en lui, se nourrit des échanges avec celui qu’il considère comme son grand frère. Ils remportent ensemble un titre WBC francophone, 2 titres de champion de France et un titre de l'Union européenne.

En 2018, six mois après la naissance de son fils. Franck est envoyé à Dakar, pour affronter le local Mohamed Mimoune. Un combat pour la ceinture mondiale. Escorte policière, bus de champion, foule acclamant son nom. Les Sénégalais n’avaient pas fait les choses à moitié. Au douzième round, il tente le tout pour le tout. « Je me dis, si la gauche passe, il tombe. S’il m’esquive, il gagne ». Résultat Franck perd aux points, mais avec la manière et dans le respect.
Par la suite avec l’arrivée de son deuxième enfant, Franck lève le pied. Marqué par le combat d’une Vénézuélienne démontée, sous les yeux de sa fille en pleurs. Devenu coach sportif, notamment dans la salle de sport Reebok, boulevard de la Madeleine. Petitjean a vu passer pléthore de personnalités. Quatre fois par semaine il a même coaché Rachida Dati et ses cinquante kilos tout mouillés.

Aujourd’hui, malgré deux petits combats de vitrine « pour l’entretien » comme il dit, Franck Petitjean reste dans le top cinq européen et compte bien remonter sur le ring pour la ceinture européenne. Un dernier challenge avant de raccrocher les gants.
Photos & texte - Julien Soulier Style - David Bellion Coordination- Pascale Savary

Photo 1 - T-shirt No-One
Photo 2 & 6 - Short Maison Château Rouge
Photo 3 & 5 - Ensemble Maison Château Rouge
Photo 6 - Col roulé Éditions MR