Matthias Dandois - L’art du Bike


En ce matin de Décembre, Paris peine à se réveiller et l’avenue de New York est encore silencieuse. Matthias Dandois étire son mètre quatre-vingt-six sur le parvis du Palais de Tokyo avant d’enfourcher son vélo pour se faufiler entre les colonnes de l’esplanade vide. Le « Dôme » comme ils l’appellent, est le surnom de ce musée. Ici on y vient pour défier l’architecture marbrée qui fait du Palais l’un des plus beaux spots au monde. Ce temple de l’art moderne et contemporain est le repère de tout bon rider à la recherche de créativité plus que de performance. Pas étonnant que le patron du BMX Flat ait décidé de nous y emmener. Dans le monde du « Flatland » Matthias Dandois fait office de pilier. À trente et un ans, l’octuple champion du monde règne en maître sur la discipline depuis des années. Il a cette allure et agilité qu’il est impossible de ne pas regarder.

Tout commence pour lui à Épinay-sur-Orge, à quelques kilomètres de la capitale. À huit ans, le gamin se rêvait en footballeur. Mais le coach gueulard du sporting club de la ville l’en a vite dissuadé.
Un jour, un certain Woody se présente en vélo sur le plateau d’une émission télé. Il tourne en rond, en équilibre, le corps de l’autre côté du guidon, la roue arrière levée. Le jeune Matthias, onze ans, reste scotché dans son canapé. Quelques jour plus tard, le voilà sur la terrasse de ses parents à essayer de reproduire ce qui l’avait tant marqué. Le moindre répit se transforme en

session le temps d’une pause déjeuner après l’école. À défaut de skatepark, il passe ses week-ends à tourner en rond sur un parking vide aux abords de la ville. Sur le chemin du retour, il s’est juré de faire le tour du monde avec son vélo en voyant un combi Volkswagen garé dans une allée. Plus rien ne pouvait l’arrêter.
À la base, BMX « Bicycle MotoCross », X pour Cross, a été inventé par des kids trop fauchés pour se payer une moto. Une canette calée entre le pneu et le cadre suffisait à faire le bluff. Très vite, c’est devenu une pratique sportive. La « Race ». Une course avec des sauts et une règle très simple: le premier arrivé a gagné. Puis, certains cyclistes se sont essayés aux figures avant de se faire disqualifier. Pour s’affranchir de ces règles, le « Freestyle » est né. On utilise la rue pour s’exprimer sur le mobilier urbain. Issu de cette discipline, Le « Flat » est le petit dernier. À la frontière entre la danse et le vélo, cette version chorégaphiée du BMX se pratique sur un sol plat. La spécialité de Matthias Dandois.

La Ninja Jam Compétition. C’était l’époque où l’on pouvait poser cent balles sur la table des organisateurs pour s’inscrire dans une catégorie. L’époque où les pros conseillaient les minots. C’est à cette même compétition que Matthias a rencontré Alex Jumelin, champion du monde de Flat avant lui. Le jeune prodige apprend en le regardant. Ensemble ils ont ridé le tout Paris, de la Défense à Bercy. Alex, c’est le genre de mec à qui l’on doit beaucoup sans rien attendre en retour. Grâce à lui, Matthias a trouvé son premier contrat pro, à seize ans après un « run » bien maitrisé en compétition. Ce jour-là, sa vie a changé. Le jeune est à présent payé pour voyager et performer. Il défit ses idoles aux quatre coins du monde. Dandois se fait un nom, monte en grade et ramène de plus en plus de trophées comme cette manche de coupe du monde en Louisiane après le baccalauréat. L’examen terminé, il fonce dans le Bayou pour gagner la compétition avec un tricks dont il a le secret avant de rentrer le soir même en cas de rattrapage. C’était le deal à respecter.

Le frenchy traverse le globe à la recherche du spot parfait. Il lui est déjà arrivé de prendre un avion juste pour se se balancer sur un rail au milieu du Costa Rica. Il veut partager et faire rayonner sa discipline. À l’image de ce road-trip en Afrique du Sud qui l’a marqué à tout jamais. Trois mille bornes en deux semaines avec Viki Gomez, un autre de la team Red Bull. De Johannesburg, Durban à Plett. Il y découvre un pays encore marqué par l’apartheid. Des villes où la population des townships est invisible pour les riches des beaux quartiers. Alors il s’est mis à rider dans Soweto, l’un de ceux dans lequel il ne faut pas s’aventurer. Une démo devant des habitants amusés et des gamins émerveillés. Il n’en fallait pas plus pour voir le quartier se transformer en bar dansant. La définition du freestyle.
Aujourd’hui le game a bien changé. La discipline s’est structurée et les compétitions sont controlées. Le BMX Flat fait partit de l’Union Cycliste Internationale. Comme Primo Rogliz et les autres cyclistes du tour de France, Matthias doit pisser dans un bocal et se plier au contrôle anti-dopage. Plus pour vérifier si les gars n’ont pas abusé de la weed bon marché que de l’EPO pour performer. Ce qui n’est pas pour déplaire à Matthias car le BMX sera la nouvelle discipline des Jeux Olympiques de Paris en 2024. Le Français, à la maison, pourra montrer au monde entier tout l’étendu de son art. Une dernière danse avant de tirer sa révérence. Alors l’ultra compétiteur s’entraîne comme un acharné. Un mode de vie sain. Du yoga pour son dos à la course pour le cardio. Tel un musicien, il répète ses gammes avant chaque compétition. Ses enchaînements de figures sont pensés et chronométrés pour constamment se réinventer. Il n’y a qu’à voir sa finale lors du Fise en 2019. Un numéro d’équilibriste proche de la perfection avec un « Spin » dont il a le secret. Le tourbillon Dandois hypnotise le jury tandis que la foule se demande encore comment la roue arrière de son vélo pouvait caresser de si près les planches de la scène sans ne jamais les toucher.

À l’heure où les jeunes riders postent des vidéos sur instagram pour se faire sponsoriser, le rapport à l’image à lui aussi bel et bien changé. Le film est leur nouveau terrain de jeu. Fini la quête d’une parution dans les magazines papier. Depuis des années, Matthias parcourt l’architecture du monde entier pour montrer son talent devant l’objectif d’une caméra. Le concept prévaut sur la performance. Le roi du Flat en a fait sa marque de fabrique. Il faut innover, chercher l’idée juste qui rendra service à ses figures. Et ce n’est pas le Covid qui va l’arrêter. À défaut de voyager, il a cogité. « Unlocked Down » est le titre de son dernier film en collaboration avec Red Bull. Une balade poétique dans un Paris vide, de nuit. Tout part d’un « Bunny Hop » sur la place de l’étoile. Une figure qui nous fait basculer dans une ville encore jamais vue. Du boulevard Saint-Germain à la Tour Eiffel. Une balade qui révèle l’autre visage de la capitale. Celui des rues désertiques, du silence apaisant et de l’Opéra de Paris. Le champion a réalisé ce que beaucoup n’osent rêver. Être le seul autorisé à y rouler. Les mouvements de Matthias ont remplacé ceux des danseurs. À l’image de la structure du ballet, il enchaîne ses figures les unes après les autres comme autant d'épisodes distincts. La démonstration que pour cet homme l’art et le sport sont deux choses indissociables.

Voir le film ici 

Photos & Texte - Julien Soulier 
Style - David Bellion / Dior / Étude / Facetasm
Credits looks - Dior / Étude / Facetasm / Vans / Red Bull 

Coordination - Pascale Savary
Agency  - 187 Com / Luiza Melo
Credit film - Red Bull Content Pool 
Directed by Pierre Blondel
Sound by Camille Limousin
Musique originale: Victor Solf - Traffic Lights
Produced by ASI MEDIA